Publié par Médiapart, un rapport de la Cour des comptes met en cause le coût faramineux de la présidence européenne de Nicolas Sarkozy en 2008.
Dessin Louison
Dessin Louison
Après la machine à café, la douche. Il y a quelques mois, l'installation, dans l?avion présidentiel d?une cafetière au coût exorbitant ? 25 000 euros ? avait fait office de symbole d?un train de vie élyséen en contradiction totale avec le discours de rigueur tenu par Nicolas Sarkozy en cette période de crise. Aujourd?hui, on est monté d?un cran : c?est une douche à 245 572 euros qui fait scandale, comme le révèle le site Médiapart.
En effet, la Cour des comptes vient de rendre un rapport d?une grande sévérité sur le coût de la présidence française de l?Union européenne du 1er juillet au 31 décembre 2008. Une ardoise de
plus de 170 millions d?euros ? essentiellement liée à de l?événementiel ? entièrement supportée par les Français. C?est plus du double du budget consacré au même événement par la Slovénie ou encore le Portugal. Et plus du triple de ce que la France avait dépensé lors de sa précédente présidence, en 2000 (soit 56,9 millions d?euros). Certes, c?est moins que les 180 millions dépensés par Angela Merkel un an plus tôt. Mais encore faut-il préciser que l?Allemagne compte 20 millions d?habitants de plus que la France, et que la présidence allemande ne s?est pas déroulée en pleine crise économique.
Le sommet de l'Union pour la Méditerranée: plus de 4 millions d'euros de l'heure
Dans sa lettre de présentation du rapport, le président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, pointe « l?intensité de la programmation retenue par la présidence française » : 800 événements en six mois. Le plus souvent organisés, explique Philippe Séguin, « dans l?urgence », d?où « des accommodements avec les règles de mise en concurrence qui n?ont pas permis d?en tirer tout le parti possible en termes d?efficacité de l?achat public » .
Ainsi du sommet de Paris de l?Union pour la Méditerranée dont le coût se monte à 16,6 millions d?euros ? un peu cher pour une manifestation qui a duré? quatre heures. Pour le président de la Cour des comptes, qui montre en l'occurrence que son amitié passée avec Henri Guaino, longtemps qualifié de « séguiniste », ne bride en rien son devoir de super-magistrat le fait que cet événement ait « été intégré de manière imprévue et tardive dans le cadre de la présidence française de l?UE » y est pour beaucoup : « en raison des arbitrages tardifs quant à ses modalités et de l?urgence qui en est résulté, sa réalisation a été assurée sans faire appel à la concurrence ». Au point que le contrôleur budgétaire et comptable ministériel auprès du ministère des Affaires étrangères a refusé de donner son visa. C?est finalement le ministre lui-même ? Bernard Kouchner ? qui a procédé à la réquisition du comptable afin que soit réglée la facture de près de 12 millions d?euros correspondant aux dépenses d?aménagement pour l?accueil du sommet.
171 millions d'euros dont il ne reste rien
Des dépenses véritablement somptuaires : création, sur le site du Grand Palais, de trente cabines d?interprétation et d?un centre de presse pouvant recevoir les 1900 journalistes accrédités, réalisation d?une « salle de déclaration finale, une salle d?écoute, huit salles de point presse, de bureaux pour les chefs de délégation, huit salons d?entretiens bilatéraux (avec salle de douche attenante, 32 cabines d?interprétation, la climatisation d?un espace immense et complexe pour 3000 personnes. L?ensemble a rendu nécessaire la création d?un plancher surélevé de 1,20 m, la création d?escaliers et une décoration de prestige. Le chantier aura mobilisé plus de 500 ouvriers dont 300 ont dû travailler la nuit », précise le rapport. C?est parmi ces dépenses que se trouve la fameuse douche, installée dans les bureaux présidentiels dont le coût total s?élève à 245 572 euros. Pour des locaux qui n?auront servi que quatre heures ? la douche, elle, ayant été démontée sans jamais avoir été utilisée, d?après Médiapart.
Car c?est le plus scandaleux de l?histoire : tous ces équipements ont été mis au rebut sitôt le sommet terminé. Et ce, souligne Philippe Séguin, « alors que le Grand Palais était lui-même engagé dans un processus de restructuration ». 12 millions d?euros d?aménagements, pour quelques heures. A titre de comparaison, la rénovation du grand foyer de l?Opéra Garnier n?a coûté « que » 7,6 millions d?euros.
Encore le sommet de Paris de l?Union pour la Méditerranée n?est-il qu?un exemple parmi beaucoup d?autres : « Les coûts importants générés par la présidence française de 2008 l?auront été sans aucun « retour sur investissement », s?agissant d?équipements publics », constate Philippe Séguin.
Ainsi, le « Gymnich » d?Avignon ? la réunion des ministres des Affaires étrangères de l?UE, les 5 et 6 septembre 2008 ? a-t-il coûté plus de 4 millions d?euros. Le « Gymnich » de Brême, sous la présidence allemande, n?en avait coûté que 2. Sans parler du logo minable prétendument dessiné par Philippe Starck et facturé plus de 57 000 euros? La liste est longue et présente une constante : la précipitation, l?urgence créée, bien souvent, par les caprices élyséens ? « Je veux mon sommet de Paris ! »
Un comportement de monarque mal ? ou pas du tout ? éclairé. Car enfin, les rois de France étaient au moins des bâtisseurs. On leur doit le château de Versailles et moult autres merveilles qui attirent, aujourd'hui encore, des millions de visiteurs sur notre territoire. Même Jacques Chirac a laissé au peuple un musée des Arts premiers. Tandis que, des 171 millions dépensés par la France pour le rayonnement de Nicolas Sarkozy dans l?Union européenne, il ne reste rien.
-La rancune n'est que la preuve de la faiblesse ( Jiang zilong)
-C'est bêtise de déprécier son ennemi avant le combat, et bassesse de l'amoindrir après la victoire ( Goethe)