Et bien merci à vous !
Et puis, un petit texte sur le marché de l'art:
Bonjour ou, comme disait le vieil épicier de mon enfance,
Bon Jour. Expression savante qu'il lançait aussi quand l'on sortait de sa boutique !...
La boutique du village ! Épicerie, quincaillerie, bois de chauffage, bouteilles de gaz, tranches de jambon et tomates, fil à coudre et boutons... et... bonbons !
J'y ai appris le savant exercice du commerce.
Les bonbons étaient placés près de l'entrée.
En entrouvrant délicatement la porte, sans en faire tintinnabuler la clochette de laiton, il était possible, ce que mes camarades et moi ne manquions pas de faire plusieurs fois par semaine, de chaparder sans réveiller le vieux. Que de bonbons volés !
La mauvaise conscience qui accompagnait nos sourires hypocrites quand la mère nous envoyait acheter le pain,
souffrait doublement du regard perçant et amusé de l'épicier... Savait-il ou ne savait-il pas ?
J'ai définitivement arrêté mes larcins un soir de Noël.
À la messe de minuit, quand monsieur le curé nous engagea à embrasser notre voisin, me voilà tout à coup soulevé de terre par le vieux à coté de qui je me trouvais. Il m'embrassa certes, mais en lançant d'une voix sourde; " je ne t'en veux pas pour les bonbons !!"...
J'appris plus tard, beaucoup plus tard, qu'il rajoutait sur les notes d'épicerie de nos mères, quelques centimes sur les tomates, d'autres sur les patates, et un franc sur le cirage. Ni vu, ni connu, les bonbons étaient payés !!!
Voilà ce que nous appellerions aujourd'hui du "marketing".
Je ne suis pas devenu marchand de clous ou de radis, je suis artiste peintre.
Le marché de l'art a ceci de particulier, comme tout le monde le sait, c'est que l'artiste n'est pas rémunéré ni au temps de travail, ni selon un cahier des charges. Il s'agit ici de cotation.
Et de relations. Monsieur Mitterrand, en son temps, lors d'une visite officielle à la FIAC de Paris, ayant fait une halte non prévue, pour satisfaire à une démangeaison qui lui tarabustait le pied, a fait monter la cote d'un artiste de quelques milliers de francs. En moins de deux minutes. Gardes du corps et journalistes surpris, la foule des suivants qui se carambole, une photo publiée le lendemain où l'on dirait le prince (Dieu) en contemplation devant une sculpture, et hop ! Cent mille francs de cote supplémentaire... Le marché de l'art a ceci de merveilleux, c'est que ses limites sont à l'horizon...
Toutefois, et en hommage à mon épicier, je décide aujourd'hui de proposer à tout amateur de ma peinture ceci: ouvrez donc doucement ma porte, volez moi un tableau, et de bon coeur, je dormirai au fond de l'atelier. Servez-vous !
À condition toutefois que votre chère maman vienne ensuite, et rapidement m'en acheter deux, au prix cotation, s'entend.
Batistin